La ferme Brun

Plus communément appelée « Maison du Bagnard » par les gens du pays, la maison située 500 chemin de Belhac, au lieu-dit « la ferme Brun », porte le nom de son bâtisseur, Honoré Brun.

Construite en 1843, c’est une petite maison paysanne assez classique qui, à priori, n’a rien de remarquable. Cependant l’histoire de son premier propriétaire est emblématique du passé économique et politique de la région et elle conserve encore dans ses murs des témoignages émouvants de cette époque tumultueuse.

Chaufournier de son état, Honoré Brun exerce une activité alors très répandue, dans une région qui offre en abondance la roche calcaire et le bois nécessaires à la fabrication d’une chaux qui jouit dans le pays tout entier d’une grande réputation. Il entreprend la construction de sa maison en 1843, à l’âge de 40 ans. Il choisit de s’installer dans la plaine, non loin du village, suivant ainsi la tendance de l’époque qui voit les habitants déserter les villages perchés pour des lieux plus accessibles. Tournant le dos au vent du nord, la maison est adossée à la colline, non loin de la route qui permet l’acheminement des lourdes charrettes chargées de pierres et de chaux. Le logis est modeste : 4 petites pièces voutées dont une arrière cuisine qui garde encore ses crochets à jambons et une cuisine dotée d’une vaste cheminée. La maison est flanquée d’une étable pour les bêtes, surmontée d’un fenil pour le foin et la paille. De l’autre côté de la maison se dresse, telle une tour, le haut bâtiment abritant les fours à chaux, dont il ne reste aujourd’hui que la partie basse, semi enterrée, ainsi que deux vastes foyers ouverts. Gravées sur le linteaux de la porte, on peut lire encore aujourd’hui les lettres suivantes: HB 1843. Les deux énormes cyprès qui encadrent l’entrée ont dû être plantés vers cette époque-là…

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Honoré Brun, comme beaucoup d’habitants de la Drôme, et particulièrement de l’arrondissement de Die, est un homme favorable aux idées républicaines. Il fait partie d’une de ces sociétés interdites depuis quelques années (qualifiées de « secrètes ») et qui propagent les idées de la Montagne. Le lendemain du 2 décembre 1851, à l’annonce du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte, il prend la tête des habitants de Soyans et rejoint le mouvement insurrectionnel qui marche sur Crest. Durement réprimée par les troupes du préfet Ferley, l’insurrection échouera et, à l’occasion d’un procès marathon, 1600 personnes seront jugées, dont 26 hommes de Soyans. En tant que chef des insurgés de son village et membre d’une société secrète, Honoré Brun sera condamné à la déportation. Le 26 mars 1852 sept drômois quittent la prison de Valence pour Marseille puis embarquent pour Cayenne et l’îleile du Diable… Honoré Brun mourra en déportation 2 ans plus tard, quatre mois avant que n’arrive sur l’ile sa lettre de Grace datée du 12 avril 1854. Trop tard…

Vingt plus tard, son fils fera apposer, à droite de la porte de sa maison, une plaque commémorative qui existe encore et sur laquelle on peut lire (difficilement) :

EN MEMOIRE DE LA NAISSANCE DE FRANÇOIS
HONORÉ BRUN NÉ LE 12 DU MOIS DE BRUMA
IR AN 12 A SOYANT AYANT CONTRUIT (sic) CETTE
MAISON EN 1843 DEPORTÉE (sic) A CAYENNE AN
1852 DÉCEDÉ LE 14 JANVIER A L'HÔPITAL
DE LILE ROYAL DU SALUT AN 1854
…........TOYENNE FRANÇAISE
NAISSANCE DE SON FILS JEAN EMILLE HONORÉ
NÉ LE 3 DECEMBRE 1834 A LA MÉMOIRE DE SON 
                                      PERE
LE 28 AOUT 1865

Après ce premier épisode, l’histoire de la maison devient plus floue. La famille Brun y est-elle restée ? Le fils d’Honoré a-t-il exercé le même métier que son père ? Les fours à chaux ont-ils continué à fonctionner encore longtemps ?

Lors de la dernière vente dont elle est l’objet, l’acte notarié de la maison fait état de trois familles successives. Fernand Roustand en est propriétaire jusqu’à son décès en 1973. Sa fille, Odette Roustand, épouse d’André Amaudry, en hérite et la revend à la famille Pinteaux en 1992. Puis en 2004 la maison est cédée à la famille Trouillet qui la garde jusqu’en 2011 où elle passe entre les mains de la famille Tesseraud…

Propos recueillis par M Dalmas et D Leroux

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